Herborisation au Bic, à la recherche des botryches

Herborisation au Bic, à la recherche des botryches

Cette semaine mon infolettre est plutôt botanique qu'horticole, car elle traite d'un monde fabuleux de fougères indigènes : les petites botryches. J'ai eu la chance de participer à une excursion botanique au Bic à la recherche de ces fougères rares.

Dimanche 25 décembre 2016

 


 

Bonjour à tous,

Cette semaine mon infolettre est plutôt botanique qu'horticole, car elle traite d'un monde fabuleux de fougères indigènes : les petites botryches.

J'ai eu la chance de participer à une excursion botanique au Bic à la recherche de ces fougères rares. Vous verrez qu'elles forment un groupe botanique fascinant.

Je voudrais d'abord remercier le botaniste émérite Jacques Labrecque, un spécialiste de ces plantes rares qui travaille au ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Direction de l'expertise en biodiversité. Il fut notre guide et il a aussi eu la gentillesse de réviser mon document. Mon ami Camille Rousseau, botaniste et auteur du livre Géographie floristique Québec-Labrador aux Presses de l'Université Laval, a fait la première correction d'orthographe et de grammaire.

Je vous souhaite de joyeuses fêtes, ainsi qu'à toute votre famille et au plaisir de communiquer de nouveau avec vous en 2017,

Rock

Infolettre Rock Giguère

Date : 19 décembre 2016
Infolettre : 25 décembre 2016

La région du Bic, près de Rimouski, se trouve dans une aire de transition entre la forêt feuillue et la forêt boréale avec la présence de plusieurs milieux distincts, ce qui en fait un lieu de diversité végétale très intéressant pour les amateurs de plantes rares. Entre autres, le Parc national du Bic est un site exceptionnel pour observer diversité et rareté floristiques.

Situé dans l'estuaire maritime du Saint-Laurent, on y rencontre des baies, des anses, des îlots et des reliefs accidentés comme des caps et des montagnes. La superficie du parc est de 33,2 km2. Les 700 espèces de plantes vasculaires qui y poussent représentent le tiers des espèces du Québec.

Paysage du Bic

On peut y observer plusieurs plantes subarctiques et arctiques, des plantes de tourbières, de friche, de littoral et de marais salés. Nous avions ciblé le Parc national du Bic, pour notre journée d'herborisation le 1er juillet 2016, pour faire connaissance avec le monde des botryches, des fougères de petite taille très rares.

Notre guide et coordonnateur était le botaniste Jacques Labrecque, du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Direction de l'expertise en biodiversité. Celui-ci, un expert des botryches, connaissait des endroits où il avait déjà repéré ces fougères. D'ailleurs, il profitait de cette journée pour évaluer la population de quelques sites afin de vérifier leur présence dans les lieux visités. Jacques a publié plusieurs écrits sur les plantes vasculaires menacées ou vulnérables du Québec, dont certains sur les botryches.

Équipe chercheurs botryches au Bic

Sa conjointe, Martine Jean, docteure et chercheuse spécialisée en agronomie, en biologie moléculaire et en génétique à la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval, nous accompagnait (à gauche de la photo), ainsi que Camille Rousseau, docteur en botanique et auteur du livre Géographie floristique Québec-Labrador aux Presses de l'Université Laval (à droite de la photo). Marie-Andrée Zizka, une biologiste qui a travaillé, entre autres, à compléter l'inventaire floristique du site du Parc national des Monts-Valin, faisait aussi partie du groupe (c'est elle qui prenait la photographie ci-haut).

Et enfin le petit moi, qui a pu profiter toute la journée de l'expertise de mes confrères et de mes consœurs d'herborisation, pour vous informer sur le monde fascinant et étonnant des botryches.

Chercheurs botryches au Bic

Pour les observer ... il faut les trouver. Ces fougères passent souvent inaperçues entre les herbes des pelouses.
Photographie de Camille Rousseau.

Rock photographie botryches au Bic

La position idéale pour la photographie. Le plus difficile... c'est de se relever. Photographie de Camille Rousseau.

 

Ci-dessous, un exemple des spécimens que nous cherchions à travers les herbes, photographié au Mont Chocolat.

Le botryche à feuille de matricaire, aussi appelé botryche à feuille de camomille (Botrychium matricariifolium (Retz.) A. Braun ex W. D. J. Koch 1845)

Botryche à feuille de matricaire

Botryche à feuille de matricaire

 

LES BOTRYCHES

Introduction

Le genre Botrychium appartient à la famille des Ophioglossacées. Le nom du genre évoque la fructification en forme de grappe chez ces fougères. Celle-ci ressemble à une grappe de raisins ou de fleurs non ouvertes.

Fructification Botrychium matricariifolium.jpg

Fructification de Botrychium matricariifolium. La partie fertile.

Ce genre comprend des fougères vivaces de petite taille qui sont rarement plus hautes que 20 cm (8 po). Les fougères de ce genre sont morphologiquement très simples. La tige aérienne se divise généralement en deux. Le pétiole de la partie au-dessus du sol porte une partie fructifère (fertile) et une partie foliacée (stérile). Cette morphologie fait la particularité des botryches, car elle les différencie de toutes les autres fougères.

Fronde de Botrychium matricariifolium partie strérile.jpg

Fronde de Botrychium matricariifolium. Partie stérile.

 

Les botryches sont des plantes géophytes, en ce sens que ce sont des plantes vivaces qui possèdent une tige souterraine enfouie dans le sol. Appelée rhizome, cet organe de réserve leur permet d'attendre les conditions favorables pour se développer de façon aérienne. Les botryches dépendent aussi d'une symbiose avec un champignon du genre Glomus qui leur procure des nutriments.

Comme ces fougères sont petites, elles sont fragiles. Sensibles à la concurrence des autres végétaux, une végétation basse et peu dense est propice à leur développement. Une exposition peu ombragée leur est aussi bénéfique. Les botryches apparaissent si les conditions sont favorables. Elles peuvent donc demeurer dans le sol une ou plusieurs années. D'ailleurs, la plante flétrit sous des conditions climatiques défavorables, et parfois avant d’avoir produit ses spores.

Les botryches sont des plantes discrètes et se dissimulent dans les herbes des champs. La fronde, très petite, ne dépasse pas les herbes. De couleur verte, elle se fond dans la végétation.

Les espèces du genre Botrychium sont difficiles à identifier de façon précise, car leurs différenciations sont souvent très subtiles. Les espèces ont cependant des caractéristiques communes : elles sont petites, rares, et variables.


Revue historique de la taxonomie

Le premier botryche à être décrit fut le botryche lunaire (Botrychium lunaria (L.) Sw. 1801) que le botaniste allemand Leonhart Fuchs (1501-1566) avait nommé Lunaria minor en 1542. Linné a reconnu deux espèces de botryches en 1753 dans son Species Plantarum : B. lunaria et le botryche de Virginie (Botrypus virginianus (L.) Michx. 1803, Syn. Botrychium virginianum (L.) Sw. 1800) qu'il avait placées dans le genre Osmunda.

Le botaniste tchèque Karel Borivoj Presl (1794-1852), un professeur à l'Université de Prague, reconnaissait 17 espèces dans son traitement du genre Botrychium en 1845.

Le premier traitement global de la famille des Ophioglossacae Martinov 1820, à laquelle appartiennent les botryches, fut effectué en 1938 par le botaniste étasunien Robert Theodore Clausen (1911-1981). Il reconnut trois genres dans son document Monograph of the Ophioglossacae : Botrychium Sw.1800, Ophioglossum L. 1753 et Helminthostachys Kaulf. 1824. Ces trois genres continuent d'être reconnus aujourd'hui par la plupart des botanistes, en plus du sous-genre Cheiroglassa (C. Presl) R. T. Clausen 1938 qui est une subdivision du genre Ophioglossum.


Situation actuelle et répartition

Comme nous l'avons vu, le botaniste tchèque Presl reconnaissait 17 espèces de botryches en 1845 et Clausen six espèces en 1938. De 1981 à 2002, le nombre d'espèces reconnues dans le genre Botrychium augmenta rapidement.

Le botaniste Donald R. Farrar du Département de botanique de l'Université d'État de l'Iowa reconnaissait en 2011, 31 espèces en Amérique du Nord qui étaient formellement décrites : 14 espèces diploïdes, 16 espèces tétraploïdes et 1 espèce hexaploïde.

Toujours selon Farrar, bien que certaines espèces nord-américaines soient présentes au-delà de l'Amérique du Nord, seulement deux espèces connues en dehors du continent n'ont pas encore été trouvées en Amérique du Nord : le botryche boréal (Botrychium boreale J. Milde 1857) et le botryche nordique (Botrychium nordicum ined. M. Stensvold, D. R. Farrar). Botrychium boreale est inscrit à la banque des données publiques de la Base de données des plantes vasculaires du Canada (VASCAN) mais pour le Groenland et Botrychium nordicum ined. est provisoirement en attente d'un statut officiel.

Le genre Botrychium est distribué en Amérique du Nord, en Europe, en Asie, en Australie, en Afrique, dans les îles du Pacifique, en Nouvelle-Zélande et en Pantagonie. On trouve principalement les botryches dans des prairies, des prés, souvent associés à des milieux perturbés.


Les espèces qui sont présentes au Québec selon les données publiques de la Base de données des plantes vasculaires du Canada (VASCAN) :

Botrychium ascendens
Botrychium campestre
Botrychium lanceolatum
Botrychium lineare
Botrychium lunaria
Botrychium matricariifolium
Botrychium michiganense
Botrychium minganense
Botrychium mormo
Botrychium pallidum
Botrychium pedunculosum
Botrychium pinnatum
Botrychium simplex
Botrychium spathulatum
Botrychium tenebrosum
Botrypus virginianum
Sceptridium dissectum
Sceptridium multifidum
Sceptridium oneidense
Sceptridium rugulosum

Les botryches susceptibles d'être désignés menacés ou vulnérables au Québec (liste décembre 2015) :

Botrychium ascendens
Botrychium lineare
Botrychium michiganense
Botrychium mormo
Botrychium pallidum
Botrychium pedunculosum
Botrychium pinnatum
Botrychium spathulatum
Sceptridium oneidense
Sceptridium rugulosum

Les botryches observés au Bic (le 1er juillet 2016) :

Botrychium lanceolatum
Botrychium matricariifolium
Botrychium simplex
Sceptridium multifidum (Syn. Botrychium multifidum)

 

Botrychium lanceolatum (S. G. Gmel.) Angström 1854
Le botryche lancéolé, le botryche élancé
Triangle moonwort, lance-leaved grapefern, lance-leaved moonwort, triangle grapefern

Le botryche lancéolé est une très petite fougère. Il mesure souvent entre 10 à 15 cm (4 à 6 po) de hauteur, et forme habituellement un plant robuste et charnu. La tige commune est succulente et relativement longue. Le segment foliaire du botryche lancéolé est généralement triangulaire et se développe assez haut sur la tige, ce qui est un caractère distinctif de cette fougère. Les feuilles sont vert luisant. La partie foliaire est généralement sessile ou le pétiole est très court. La fronde fertile peut être jusqu'à 2 fois ½ plus long que le segment stérile. Elle forme une grappe de sporanges jaunes bien érigée et ramifiée.

Botrychium lanceolatum

Botrychium lanceolatum La tige est rougeâtre.

Botrychium lanceolatum. La tige est rougeâtre.

Botrychium lanceolatum La partie fertile (les fruits) et la partie stérile (la feuille).

Botrychium lanceolatum. La partie fertile (les fruits) et la partie stérile (la feuille).

 

Botrychium matricariifolium (Retz.) A. Braun ex W. D. J. Koch 1845
Le botryche à feuille de matricaire aussi appelé le botryche à feuille de camomille

Lors de notre excursion le 1er juillet 2016, ce fut le botryche que nous avons observé le plus souvent. Le botryche à feuille de matricaire est présent en Europe et dans l’est du Canada et de l’Amérique du Nord. Le nom de l’espèce lui a été donné parce que ses feuilles ressemblent à celle des matricaires (Matricaria).

Cette petite fougère peut atteindre entre 8 à 20 cm (3 à 8 po). La partie fertile, donc la fructification, est pas ou un peu plus longue que la partie foliaire à maturité. Les feuilles sont petites, découpées, avec des lobes arrondies et crénelées.

Botrychium matricariifolium 1.jpg

Botrychium matricariifolium

Botrychium matricariifolium 2

Botrychium matricariifolium (Retz.) A. Braun ex W. D. J. Koch 1847.


Botrychium simplex E. Hitchc. 1823
Le botryche simple

Le nom de l’espèce, simplex, signifie simple, non divisé et non ramifié. La jonction de la partie stérile et de la partie fertile se produit près du niveau du sol. Les feuilles simples vert pâle de la fronde stérile, ne sont pas ou sont peu découpées en lobes. Cette fougère de petite taille mesure environ 10 cm (4 po). Dans les habitats plus secs, les plants ont une tendance à demeurer très petits, parfois à 2 cm (1 po) de hauteur. La morphologie typique de l’espèce simplex se développe seulement sur les plus gros plants, ce qui rend son identification difficile lorsque le plant est juvénile ou de petite taille. Les milieux ouverts sont les habitats premiers de ces fougères, comme les pâturages, les prairies, les milieux humides, les dunes de sable et dans la végétation en bordure des lacs et des ruisseaux.

Botrychium simplex

Botrychium simplex

Botrychium simplex 2

Botrychium simplex


Sceptridium multifidum (S. G. Gmelin) Nishida ex Tagawa 1958 (Syn. Botrychium multifidum (S. G. Gmel.) Rupr. 1859)
Le botryche à feuille couchée, le botryche multifide

Cette petite fougère est originaire de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique du Nord. Elle y pousse principalement sur des pelouses rases ou dans des endroits humides. La fronde stérile du botryche multifide, est très découpée, ce qu’évoque le nom de l’espèce multifidum. Elle émerge directement du sol et est portée plus ou moins horizontalement.

Sceptridium multifidum

Sceptridium multifidum


NOTE :

Les photographies des plantes qui ont fait l’objet de cette infolettre sont ou seront disponibles sous peu sur le site : www.millettephotosdeplantes.com.

Au plaisir !!!!!! Enjoy !!!!!!!!

Rock Giguère
2016-12-19